Par Giovanni Princigalli
Compagni e Camarades
Je voudrais commencer à parler de l’utilisation au sein des partis socialistes et communistes des termes « Compagno » et « Camarade »
Commençons par le terme « Compagno » (en italien) et « Companero » (en espagnol). Tous les deux viennent du latin cum-panis, donc, il fait référence à la personne avec qui on partage le pain. Ce n’est pas un hasard, que selon certaines théories, ce mot fut utilisé la première fois par les Jésuites d’Ignace de Loyola au XVI siècle. Cela s’explique par le fait que les Jésuites vivaient en communauté et confrérie dans des couvents en partageant les repas et la vie spirituelle.
Les membres des partis socialistes et communistes d’Italie et d’Espagne s’appellent entre eux « Compagni» ou « Companeros ». En Amérique Latine on utilise parfois « Companero » et autre fois « Camarade », ça dépend des pays. Donc, dans les pays latino-américains ils ont synonymes. Le terme « Camarade » indique celui avec qui on partage une chambre, qui fait partie de la même chambrée.
Dans sa lettre à María Rosario Guevara, Ernesto Che Guevara définit le terme “companero” comme suit : « Si tu es capable de trembler d’indignation chaque fois qu’une injustice est commise dans le monde, alors nous sommes des companeros ». Par contre, au Brésil le chef du parti travailliste brésilien Ignacio Lula utilisera plutôt le terme « Camarade », terme utilisé aussi par les membres des partis socialistes et communistes des pays francophones et anglophones.
Le fait que les fascistes italiens en 1921 (année de fondation du parti) ont choisi eux aussi le terme « Camarade » a plusieurs explications. Tout d’abord, parce que le terme « Compagno » était déjà utilisé par leurs ennemis socialistes. Deuxièmes, les fascistes s’organisent à travers une structure para militaire (et le terme camarade est très utilisé par les soldats). En fin, il ne faut pas oublier que Mussolini avant de se radicaliser sur des positions d’extrême- droite, fut un dirigeant socialiste, mais il fut expulsé à cause de son attitude violente et extrémiste. Donc Mussolini introduit dans la rhétorique fasciste des termes et coutumes typiquement socialistes afin d’attirer les ouvriers, les paysans et les chômeurs. Même le terme « fascista » provient du mouvement socialiste, en particulier des travailleurs agricoles de la Sicile du XIX siècle. Ce mouvement de lutte fut nommé « les faisceaux des travailleurs siciliens », car, les paysans avaient la coutume de faire des faciaux de blé. Il fut réprimé dans le sang. Donc Mussolini invente le mot « fascista » en le pérennant directement des faisceaux de Sicile.
Je crois que à l’intérieur du NPD cette coutume de s’appeler « compagni » ou camarades n’est pas très répandue. Probablement à cause des préjugés présents en Amérique du Nord au regard des idéologies, mais aussi des symboles, du socialisme. Je trouve que cela soit un peu dommage. Mais je trouve intéressant que les membres du Cacus socialiste du NPD, un groupe minoritaire qui occupe l’aile gauche au sein du parti, utilisent le terme « Camarade ».
Le drapeau rouge
J’étais surpris lors de mon arrivée au Canada de voir que la couleur du NPD était l’orange et non le rouge. Puis, j’ai compris la raison. Le parti libéral s’était déjà approprié du rouge.
L’utilisation du drapeau rouge est très ancienne. Nous ne remonterons pas aussi loin dans le temps. Commençons plutôt par son utilisation par les jacobins pendant la Révolution française, qui brandissaient un drapeau rouge en l’honneur du “sang des martyrs” qui avaient été tués. L’utilisation du drapeau rouge fut reprise en 1831 lors des protestations des mineurs de Merthyr Tydfil, au Pays de Galles, dont les manifestations furent réprimées dans le sang. Selon des témoignages de l’époque, les mineurs avaient en vérité brandit les chemises ensanglantées de leurs camarades assassinés. En solidarité, des milliers de travailleurs en Grande-Bretagne ont manifesté en défilant sous des drapeaux rouges. Avec les soulèvements révolutionnaires de 1848, l’utilisation des drapeaux rouges s’est accrue, d’abord en France, puis dans le reste de l’Europe. Le rouge a également été utilisé par des mouvements républicains et démocratiques (disons des libéraux de gauche) tels que Garibaldi qui a adopté la chemise rouge comme uniforme de ses volontaires révolutionnaires.
Le premier gouvernement marxiste à adopter le rouge comme couleur officielle a été la Commune de Paris, qui a brièvement gouverné la ville en 1871, en prenant pour drapeau le rouge et non le tricolore français. Entretemps, Marx est devenu connu par ses ennemis comme le “docteur de la terreur rouge”. Alors que la peur des communistes se répand en Europe, la police prussienne interdit l’utilisation de la couleur rouge “dans les affiches de protestation”. En 1889, le journaliste socialiste irlandais Jim Connell compose la chanson Red Flag, qui compare cette couleur à celle du sang des “martyrs” du peuple.
La rose et le poing
Le symbole de l’International socialiste est celui de la rose serrée dans un poing, qui est adopté aussi par certains partis socialistes, tels que ceux de France, Espagne et Suisse.
Par contre, les partis travaillistes et sociaux-démocrates du Royaume uni, de Suède, de Danemark et des États-Unis ont opté juste pour la rose. Les socialistes démocrates d’Amérique ont ajouté à la rose une main noire et une autre blanche qui se serrent entre elles-mêmes, pour souligner la solidarité et alliance entre les blancs et les Afro-Américains. En fin, il y a certains partis toujours socialistes, comme celui du Portugal, qui ont juste le poing.
Le NPD en revanche a la feuille d’érable, qu’est là pour évoquer le Canada. Il faut dire que le parti travailliste de la Nouvelle-Zélande a opté pour un choix similaire, en effet, leur symbole est la feuille de fougère, qui est aussi le symbole du pays.
Mais pourquoi l’internationale socialiste et plusieurs partis socialistes ont adopté le symbole de la Rose et du poing, qui a été choisi aussi par le Cacus socialiste du NPD ? Qu’est-ce que ça veut dire ce symbole ?
En effet, cet emblème a été conçu à la fin de l’année 1969, par Marc Bonnet, un illustrateur contacté par Yann Berriet, graphiste et militant socialiste sur une commande de Paul Calandra, qui alors était le responsable de la propagande de la fédération parisienne du parti socialiste. Selon le témoignage de la publicitaire Evelyn Soum la fleur fut choisie pour convaincre les femmes d’adhérer au parti qui cherchait un symbole fort, mais « pas trop bolchevique ».
En fait, c’est Lénine, le chef bolchevique, qui a inventé le symbole de la faucille et du marteau, avec lequel il évoquait l’alliance entre ouvriers et paysans. Marx était convaincu que la révolution serait faite par les ouvriers, mais Lénine l’a faite dans un pays peu industrialisé, il lui fallait donc impliquer les ouvriers agricoles pauvres et sans-terre. Le parti socialiste italien a été l’un des rares partis de la famille socialiste (excluant ainsi les communistes) à adopter la faucille et le marteau, qui n’ont été retirés du symbole du parti qu’en 1987.
Georges Sarre (militant socialiste) présenta en février 1970 à la presse une affiche avec le nouveau symbole, et expliqua les objectifs : « faire venir à nous des centaines et des milliers de militants » avec un nouveau logo qui voulait dire: « L’épanouissement que seul permettra le socialisme (la rose) ne sera possible que par la lutte (le poing). »
On commencera pour coller sur les murs de Paris justes quelques affiches avec le nouveau symbole. Ma ce dernier connaitra très tôt une diffusion beaucoup plus large à Paris, à commencer pour les élections municipales en mars 1971. Voilà que le poing avec la rose connait une diffusion rapide et spontanée. Le mouvement de la jeunesse socialiste s’en empare rapidement. Puis, c’est au tour de l’Association des postiers socialiste de l’utiliser.
En mai 1971 François Mitterrand (futur président de la République) parle à la presse, entouré de Pierre Mauroy, Georges Sarre et d’autres militants. Derrière il y a l’affiche avec le nouveau logo, la rose et le poing, qui depuis ce moment, sera adopté de manière officielle par le partit socialiste français.
Plusieurs témoins et militants de l’époque affirment que le poing était une référence directe à la lutte. La rose rappelle plusieurs choses : le mouvement des flower power, le mai parisien de 1968, les femmes.
Si je pense au parti du NPD, personnellement je préfèrerai le poing qui serre la rose à la place de la feuille d’érable (mais si je le trouve assez charmat). Voilà mes raisons : 1) la feuille d’érable est un symbole national utilisé aussi par le partit libéral, par contre la rose et le poing est le symbole des socialistes ou des sociaux-démocrates, que par conséquent ne peut pas être utilisées par d’autres partis d’autres idéologies; 2) la feuille d’érable n’évoque aucun symbolisme politique ou idéologique, par contre la rose et le poing évoquent des valeurs spécifiques (tel que mentionné tout à l’heure) ; 3) La feuille d’érable surtout celle de couleur orange évoque l’automne, par contre, la rose est le symbole du printemps. Souvent lors des manifestations des étudiants aux États-Unis contre la guerre du Vietnam, ou lors de printemps de Prague pour bâtir un socialisme démocratique du visage humain, la rose (mais les fleurs plus en général, comme les œillets lors de la révolution portugaise contre la dictature fasciste) était insérée dans la bouche des fusils, souvent par de courageuses jeunes femmes.
En fin, lors d’un congrès ou d’une manifestation du NPD, on ne peut pas vraiment distribuer des feuilles d’érable, mais des roses, oui.